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L'Hôpital de La Tour s'impose comme une référence pour le traitement endovasculaire des anévrismes aortiques

Publié le 27.05.21
Anévrisme aortique - Dr Gemayel
Courant avril, le Dr Gino Gemayel, spécialiste en chirurgie vasculaire, a opéré un patient atteint d’un anévrisme aortique proche des artères rénales, par la pose d’une endoprothèse fenêtrée fabriquée sur mesure. Cette intervention, de plus en plus plébiscitée pour éviter les risques d’une chirurgie ouverte classique, n’est pourtant pratiquée à Genève qu’à l’Hôpital de La Tour. Nous avons souhaité en savoir plus sur cette procédure et sur ce qui fait de nous une référence dans la région pour ce type d’opération.

Dr Gemayel, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette intervention ?

L’intervention que nous avons pratiquée est destinée au traitement de certains anévrismes, donc de dilatations de l'aorte. Dans la plupart des cas, le traitement est assez simple ; il s’agit de placer une endoprothèse vasculaire pour que le sang passe par ce nouveau circuit et plus par l'anévrisme. Cependant, si celui-ci se situe au niveau des artères du rein ou de l'intestin, la situation est plus complexe puisqu’il s’agit de garantir qu’elles resteront correctement irriguées. Dans le cas contraire, on risque de stopper la circulation vers l’organe concerné, ce qui peut bien sûr être fatal.

La solution dont nous parlons passe par une prothèse très particulière, fabriquée sur mesure, et qui comporte, selon les cas, des orifices (qu'on appelle des fenêtres), des branches, ou une combinaison des deux. Ces éléments sont positionnés en regard des artères cibles qui irriguent les reins, l’intestin, le foie, la rate, afin de neutraliser l’anévrisme tout en préservant la circulation.

 

L’intervention reste encore peu pratiquée, est-elle récente ?

Non, il y a des années que cela se pratique, mais il y a eu beaucoup d’évolutions. La procédure se démocratise, mais les établissements qui la proposent restent en quelque sorte un club privé, composé surtout de centres d'excellence et de grands hôpitaux universitaires.

Au début, on réservait cette opération aux patients à haut risque, mais de nombreuses études ont maintenant montré son efficacité et sa durabilité, ce qui pousse les hôpitaux à la proposer pour des patients à risque modéré mais qui préfèrent cette technique, qui est moins invasive et qui comporte moins de risques que la chirurgie classique. Il ne faut pas oublier que l’on est surtout sur des patients âgés, qui ont déjà des problèmes de poumons ou de cœur et qui ont déjà subi d’autres opérations.

A l’Hôpital de La Tour, nous avons commencé en 2017, et nous en avons réalisé plusieurs depuis. C'est maintenant un traitement qu'on met en avant, d’autant qu’il peut s’agir de la seule solution chez des patients chez qui on ne peut pas ouvrir le ventre. Dans ces cas, soit on dit « on ne fait rien », en sachant qu’un jour où l’autre l’anévrisme va lâcher, soit on a cette technologie qui permet de le traiter. C’est donc devenu quelque chose auquel on pense naturellement.

 

Pourquoi sommes-nous pour l’instant seuls à Genève à proposer cette opération ?

L'endovasculaire classique fait maintenant partie de la formation de tout médecin vasculaire, mais les fenêtres, c'est quelque chose en plus. En ce qui me concerne, j’ai pris de l’avance parce que j’en ai vu le potentiel très tôt, dès ma formation. J’avais été voir des professeurs de renommée mondiale, à Lille, à Paris, à Londres ou à Munich pour me former, parce que je pressentais que c’était le futur de la chirurgie vasculaire aortique.

Quant à savoir pourquoi l’Hôpital de La Tour et pas les autres, je dirais que c’est une question d’infrastructures et de compétences. Ici, nous avons des soins intensifs qui ont l'habitude de suivre des patients cardiaques avec des comorbidités similaires, et tout le monde, du personnel infirmier aux anesthésistes, a l’expérience de ce type de patients. Nous avons également des salles de radiologie qui permettent de faire ce type d'opération dans les meilleures conditions, que ce soit pour la qualité d’images et la technologie de fusion peropératoire ou pour les vérifications du résultat à la fin de l’intervention par la tomodensitométrie à faisceaux coniques. N’oublions pas non plus notre service de radiologie interventionnelle vasculaire, qui est très performant et à la pointe de la technologie.

Bref, nous avons tout ce qu’il faut pour assurer l’opération et le suivi dans les meilleures conditions. Sans cette palette d’outils et de compétences, une intervention comme ça n’est pas possible. Nous avons vraiment de la chance ici d’avoir tous les maillons de la chaîne qui travaillent ensemble pour que ces opérations réussissent. A l’inverse, certains choix ou certaines réticences peuvent aussi expliquer qu’on ne le pratique pas encore ailleurs.

 

Il y a donc toujours un débat sur cette technologie ?

Non, je dirais que chez ceux qui savent le faire, il n’y a plus de doute. Un peu partout dans le monde, lorsque vous allez à un congrès vasculaire, la majorité des sessions sont consacrées à ça. Mais c’est une technologie avancée ; il faut un peu de temps pour que tout le monde adhère, puis acquière les compétences pour le faire de manière régulière. Même dans les grands centres, les spécialistes ne se sont pas encore forcément convertis à la méthode.

 

Quel est le profil des patients concernés ?

Comme je le disais, ce sont généralement des patients âgés. Le plus souvent, ces anévrismes surviennent après 70 ans. Les patients ont des comorbidités associées, comme des problèmes coronariens ou pulmonaires, et ce sont souvent d’anciens fumeurs, ou des gens avec de l’hypertension ou du cholestérol.

 

Comment se déroule l’intervention ?

D’abord, il s’agit, avec les indications du scanner, de fabriquer une prothèse sur mesure, qui correspondra exactement à l’anatomie du patient. Il faut compter six semaines à deux mois pour la recevoir. L’opération s’effectue ensuite sous anesthésie générale et dure généralement trois à quatre heures, selon les cas. On passe par une petite incision à l’aine, au niveau de l’artère fémorale, en remontant à l’aide de guides et cathéters. Dans les cas faciles, les artères sont en quelque sorte perpendiculaires à l’aorte et il n’y a pas de difficulté, mais dans d’autres cas, elles ont une orientation vers le bas, elles sont tortueuses, ce qui peut prolonger la cathéterisation de ces vaisseaux, et l’opération peut être plus longue. On positionne la prothèse, un geste très méticuleux qui nécessite d’être au millimètre près, puis, à travers les fenêtres, on connecte les différents vaisseaux à la prothèse à l’aide de stents.

Après l'intervention, le patient part aux soins intensifs pour surveillance, pour s'assurer qu'il n'y a pas de complications immédiates, surtout au niveau des stents ou des sites d'accès. Le séjour aux soins intensifs est assez court, ce qui est aussi un avantage de cette technique par rapport à la chirurgie classique. Le patient rejoint ensuite l'étage, pour un séjour hospitalier lui aussi raccourci.

Dans le cas de notre dernier patient, l’opération s'est très bien passée et il s’est réveillé immédiatement en forme. Il a commencé à se déplacer après 6 heures et a pu rejoindre son domicile après 48 heures, ce qui est impressionnant compte-tenu de ses comorbidités et n’aurait pas été possible avec une opération classique.

 

Peut-il y avoir des contre-indications à l’opération?

Oui, surtout des contre-indications anatomiques. Il y a des règles strictes à suivre, les plus importantes étant les angulations. Si on a par exemple un angle trop aigu entre l'aorte et l'anévrisme, la prothèse n'est pas possible techniquement. Généralement l'angle doit être d’au plus 45°. Il y a aussi une question d’accès. Si les artères iliaques, où la prothèse va passer pour arriver à son point de fixation, sont trop petites, c’est un problème. Cela n'exclut pas toujours le traitement, mais ça peut le compliquer en nécessitant la création d’un tunnel chirurgical. Et puis il y a la taille des artères cibles. Si elles sont trop petites, c’est-à-dire d’un diamètre de moins de trois millimètres, on sait que le stent qu'on va mettre va se boucher et qu’on ne pourra pas sauver l’artère.

Cela étant dit, lorsque plusieurs artères irriguent un organe, on peut selon les cas en sacrifier une. Par exemple, le patient dont nous parlons aujourd’hui avait trois artères du côté gauche qui allaient vers son rein. On a pu en sauver deux, mais la troisième, qui était de moins de 3 mm, a été sacrifiée, sans conséquence. Mais parfois toutes les artères sont trop étroites, et c’est alors une contre-indication claire.

 

Quel est le suivi postopératoire ?

Il est important de rappeler que, quand on met une endoprothèse dans un anévrisme, il ne disparait pas. C'est un peu comme une bombe désactivée. Pour être sûr que tout fonctionne bien, il faut un contrôle dans la durée. Un premier scanner est fait un mois après l’intervention et sera ensuite répété annuellement. On peut aussi passer par une IRM, ou par une échographie, mais le scanner reste l'examen le plus sensible.

Si on voit que quelque chose se prépare, il faut intervenir avant d'avoir des dégâts. Par exemple, si un stent commence à migrer, s'il faut le renforcer par un autre stent. Si l'aorte ou l'artère se dilate, avec le besoin d’ajouter une prolongation par une autre prothèse. Le taux de réintervention est de 5 à 10%, mais la grande majorité se fera par voie endovasculaire. C’est une sorte d'entretien qu'il faut faire sur des années, et qui implique que tous les patients restent suivis régulièrement.

 

Propos du Dr Gino Gemayel recueillis par Yannick Richter, chargé de communication.