Bien qu’elle puisse toucher tous les âges, certaines formes prédominent selon les périodes de la vie : les leucémies aiguës lymphoblastiques sont fréquentes chez l’enfant, tandis que les formes myéloïdes ou chroniques sont plus souvent diagnostiquées chez l’adulte.
Classification et types de leucémie
La classification des leucémies repose sur deux critères principaux :
La vitesse d’évolution :
- Aiguë : progression rapide avec accumulation de cellules immatures (blastes) et apparition rapide des symptômes. Exige une prise en charge thérapeutique rapide.
- Chronique : évolution plus lente, avec production de cellules plus matures mais anormales, parfois longtemps asymptomatique.
Le type cellulaire d’origine :
- Lymphoïde (ou lymphocytaire) : issue des lymphocytes, cellules essentielles au système immunitaire.
- Myéloïde (ou myélogène) : affecte les cellules issues de la lignée myéloïde, à l’origine des globules rouges, de certaines catégories de globules blancs et des plaquettes.
Ces critères donnent lieu à quatre formes majeures :
- Leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) – la plus fréquente chez l’enfant, mais possible aussi chez l’adulte.
- Leucémie aiguë myéloblastique (LAM) – fréquente chez l’adulte, souvent plus agressive.
- Leucémie lymphoïde chronique (LLC) – prédominante chez les sujets âgés, évolution lente.
- Leucémie myéloïde chronique (LMC) – caractérisée par une anomalie chromosomique spécifique, le chromosome Philadelphie.
À ces formes s’ajoutent des types plus rares comme la leucémie à tricholeucocytes, certains syndromes myélodysplasiques et myéloprolifératifs.
Comment se développe la leucémie ?
La leucémie débute lorsqu’une cellule sanguine en développement, au niveau de la moelle osseuse, subit une altération de son ADN. Cette mutation modifie les instructions normales qui régulent la croissance et la mort programmée de la cellule. Au lieu de se développer et de mourir à un rythme physiologique, la cellule anormale continue à se multiplier sans contrôle.
Dans les leucémies aiguës, la cellule touchée est souvent très immature et se trouve bloquée à un stade précoce de développement. Elle ne parvient pas à se différencier en cellule fonctionnelle, ce qui entraîne une accumulation de blastes incapables d’assurer leur rôle dans le sang. Dans les leucémies chroniques, les cellules anormales sont plus différenciées, mais leur durée de vie est prolongée de façon anormale, ce qui provoque leur accumulation progressive dans le sang, la moelle osseuse et parfois les organes.
Les cellules leucémiques envahissent progressivement la moelle osseuse et remplacent les cellules saines. Ce processus entraîne une diminution de la production normale des cellules sanguines : moins de globules rouges (anémie), moins de plaquettes (thrombopénie, entrainant des troubles de la coagulation) et moins de globules blancs fonctionnels (entrainant un déficit immunitaire), ce qui augmente le risque d’infection.
Dans certains cas, les cellules leucémiques migrent vers d’autres organes (ganglions, foie, rate, système nerveux central ou testicules) un phénomène parfois comparé à une métastase hématologique. Cette dissémination est favorisée par la capacité innée des cellules issues de la lignée sanguine à circuler et coloniser de nouveaux tissus, rendant la maladie plus difficile à traiter.
Symptômes de la leucémie
Les signes et symptômes de la leucémie varient selon son type, sa vitesse d’évolution et son stade au moment du diagnostic. Dans de nombreux cas, ils sont peu spécifiques et peuvent évoquer des maladies bénignes comme une grippe prolongée, ce qui retarde parfois la détection.
Les manifestations les plus fréquentes incluent :
- Fatigue persistante et faiblesse générale dues à l’anémie.
- Fièvre ou épisodes fébriles récurrents, souvent liés à des infections répétées, conséquence d’un déficit immunitaire (manque de globules blancs fonctionnels).
- Pâleur et essoufflement à l’effort, signes de manque d’oxygène dans les tissus.
- Saignements inhabituels : épistaxis fréquents, saignement des gencives, ecchymoses faciles, ou petites taches rouges sur la peau (pétéchies) liées au déficit en plaquettes.
- Douleurs osseuses ou articulaires, parfois nocturnes, causées par l’expansion cellulaire au sein de la moelle.
- Augmentation de volume des ganglions, de la rate ou du foie.
- Sueurs nocturnes abondantes et perte de poids involontaire.
Dans certaines formes, notamment la leucémie lymphoblastique aiguë, des symptômes neurologiques peuvent apparaître en cas d’atteinte du système nerveux central : céphalées, troubles visuels, convulsions.
Chez l’enfant, les signes peuvent évoluer rapidement alors que les leucémies chroniques peuvent rester longtemps asymptomatiques et n’être découvertes qu’à l’occasion d’un bilan sanguin de routine.
Causes de la leucémie
L’origine exacte de la leucémie reste souvent inconnue, mais la maladie résulte généralement d’une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Le processus débute par des mutations de l’ADN dans une cellule sanguine en formation. Ces anomalies modifient les signaux qui contrôlent la croissance et la mort cellulaire, conduisant à une multiplication incontrôlée et à une accumulation de cellules anormales.
Ces altérations peuvent être spontanées ou survenir après exposition à certains agents nocifs. Parmi les causes connues ou suspectées figurent l’exposition à de fortes doses de rayonnements ionisants, le contact avec des substances chimiques comme le benzène, ou encore les effets secondaires de certains traitements anticancéreux, en particulier certaines chimiothérapies et radiothérapies.
Des anomalies chromosomiques spécifiques sont associées à certaines formes de leucémie, comme la translocation entre les chromosomes 9 et 22 (chromosome Philadelphie) dans la leucémie myéloïde chronique.
Certaines infections virales, telles que le virus d’Epstein-Barr ou le virus HTLV-1, ont été liées à des formes particulières de leucémie.
Ces mutations ne sont généralement pas héréditaires, bien que certaines prédispositions génétiques existent dans des syndromes particuliers.
Facteurs de risques de la leucémie
Certains éléments augmentent la probabilité de développer une leucémie, même si leur présence ne conduit pas systématiquement à la maladie :
- Âge : les formes chroniques sont plus fréquentes après 60 ans, alors que la LLA prédomine chez l’enfant.
- Antécédents de traitement anticancéreux : chimiothérapie (agents alkylants, inhibiteurs de la topoisomérase II) et radiothérapie augmentent le risque de leucémies secondaires.
- Exposition à des substances toxiques : benzène, pesticides, solvants,...
- Radiations ionisantes : accidents nucléaires ou exposition médicale répétée à fortes doses.
- Prédispositions génétiques : syndromes comme Down, Bloom, Li-Fraumeni, ataxie-télangiectasie.
- Antécédents familiaux : rares mais décrits pour certaines formes chroniques.
- Autres maladies hématologiques : myélodysplasie, myélofibrose ou polyglobulie prédisposent à la LMA.
Diagnostic de la leucémie
Le diagnostic de la leucémie repose sur un ensemble d’examens visant à confirmer la présence de cellules anormales et à déterminer leur type.
La première étape consiste souvent en une prise de sang (numération formule sanguine), qui peut révéler un excès ou un déficit de globules blancs, un manque de globules rouges ou de plaquettes, et parfois la présence de cellules immatures appelées blastes dans la circulation sanguine.
Pour confirmer le diagnostic, un prélèvement de moelle osseuse est réalisé par aspiration ou biopsie, généralement au niveau de l’os iliaque. L’analyse morphologique et immunophénotypique permet de préciser la lignée cellulaire atteinte (myéloïde ou lymphoïde) et le stade de différenciation des cellules leucémiques.
Des examens de cytogénétique (caryotype, FISH) et de biologie moléculaire (PCR) recherchent des anomalies chromosomiques ou des mutations spécifiques, qui orientent le pronostic et le choix du traitement.
Selon les cas, des examens d’imagerie (radiographie, scanner, échographie) peuvent évaluer l’atteinte d’organes, tandis qu’une ponction lombaire peut détecter la présence de cellules leucémiques dans le liquide céphalo-rachidien.
Traitements de la leucémie
Le traitement varie selon le type de leucémie, l’âge, l’état général du patient et la présence d’anomalies génétiques spécifiques.
Pour les leucémies aiguës, la chimiothérapie constitue le traitement de première intention. Elle associe plusieurs médicaments administrés en cycles pour détruire les cellules leucémiques et obtenir une rémission. Dans certains cas, une thérapie ciblée ou une immunothérapie peut être ajoutée, notamment pour des anomalies spécifiques comme le chromosome Philadelphie, traité par des inhibiteurs de tyrosine kinase (ex. imatinib dans la LMC).
La greffe de cellules souches hématopoïétiques (autologue ou allogénique) peut être proposée lorsque la maladie est à haut risque de rechute ou résistante aux traitements conventionnels. Elle permet de remplacer la moelle osseuse malade par des cellules saines, après un traitement intensif destiné à éradiquer les cellules cancéreuses.
Les leucémies chroniques évoluant lentement peuvent parfois être surveillées sans traitement immédiat, jusqu’à l’apparition de signes d’évolution. Lorsque la maladie devient active, les traitements incluent des thérapies ciblées, l’immunothérapie, ou la chimiothérapie orale ou injectable.
Les soins de support (transfusions sanguines, antibiotiques, traitement de la douleur) jouent également un rôle important pour gérer les effets secondaires et améliorer la qualité de vie pendant la prise en charge.
Evolutions et complications possibles
L’évolution de la leucémie dépend fortement de son type, de sa rapidité de progression et de la réponse au traitement.
Sans prise en charge, les leucémies aiguës peuvent entraîner rapidement une défaillance médullaire sévère et des infections graves. Les leucémies chroniques, quant à elles, peuvent rester stables plusieurs années, mais évoluer vers des formes plus agressives ou se transformer en leucémie aiguë.
Parmi les complications fréquentes figurent les infections sévères, favorisées par la neutropénie, et les hémorragies liées à la thrombopénie. L’infiltration de certains organes (système nerveux central, testicules, peau) complique le traitement et augmente le risque de rechute.
Des effets secondaires à long terme des traitements peuvent également survenir, tels que des troubles cardiaques, des atteintes pulmonaires ou la survenue d’autres cancers secondaires.
Chez certains patients, la persistance de cellules leucémiques résistantes, appelées cellules souches leucémiques, peut être à l’origine de rechutes tardives. Ces cellules sont particulièrement difficiles à éradiquer et représentent un défi majeur pour la recherche thérapeutique actuelle.
Prévention de la leucémie
Il n’existe actuellement aucun moyen garanti de prévenir la leucémie, car ses causes précises restent souvent inconnues. Toutefois, certaines mesures peuvent réduire l’exposition à des facteurs de risque identifiés.
- Limiter le contact avec des substances cancérogènes comme le benzène, les solvants industriels et certains pesticides.
- Réduire l’exposition aux radiations ionisantes en dehors des indications médicales strictement nécessaires.
- Surveillance médicale renforcée pour les personnes ayant reçu des traitements anticancéreux à haut risque de leucémie secondaire.
- Prise en charge précoce des syndromes génétiques prédisposants par un suivi hématologique régulier.
Il est important de noter que, dans la majorité des cas, la leucémie se développe sans cause identifiable ni possibilité de prévention stricte.
Quand contacter le médecin ?
Il est important de consulter rapidement un médecin devant l’apparition persistante de symptômes inexpliqués tels qu’une fatigue inhabituelle, des fièvres répétées, une perte de poids involontaire, des infections fréquentes ou des saignements anormaux.
Les signes comme l’augmentation de volume des ganglions lymphatiques, une sensation de gêne sous les côtes due à une rate ou un foie augmenté, ou encore des douleurs osseuses inexpliquées doivent également alerter.
Chez l’enfant, toute association de fièvre persistante, pâleur, saignements et douleurs osseuses non lié à un traumatisme doit être évalué rapidement. Un diagnostic précoce améliore considérablement les perspectives thérapeutiques.
La prise en charge à l’Hôpital de La Tour
À l’Hôpital de La Tour, la leucémie est prise en charge par une équipe multidisciplinaire associant hématologues, oncologues et spécialistes de soins de support. Les diagnostics s’appuient sur des examens de pointe et des traitements personnalisés étudiés lors de tumor board. Un accompagnement global soutient le patient tout au long du parcours de soins.
FAQ sur la leucémie
La leucémie est-elle toujours mortelle ?
Non. Certaines leucémies, en particulier certaines formes aiguës de l’enfant, peuvent être guéries. D’autres, comme les leucémies chroniques, peuvent être contrôlées pendant de nombreuses années grâce aux traitements modernes.
Quelle est la différence entre une leucémie aiguë et une leucémie chronique ?
La leucémie aiguë évolue rapidement avec accumulation de cellules immatures et nécessite un traitement immédiat. La leucémie chronique progresse plus lentement et peut rester longtemps silencieuse.
Les symptômes apparaissent-ils toujours dès le début de la maladie ?
Pas toujours. Certaines formes chroniques peuvent rester asymptomatiques pendant des années et être découvertes lors d’une prise de sang de routine.
Qu’est-ce que le chromosome Philadelphie ?
Il s’agit d’une anomalie génétique spécifique à la leucémie myéloïde chronique et à certains cas de leucémie lymphoblastique aiguë. Elle entraîne la production d’une protéine favorisant la multiplication incontrôlée des cellules.
Les leucémies sont-elles héréditaires ?
La plupart ne le sont pas. Cependant, certaines prédispositions génétiques rares augmentent le risque de développer la maladie.
Peut-on prévenir la leucémie ?
Il n’existe pas de prévention absolue, mais limiter l’exposition aux substances toxiques, aux radiations inutiles et assurer un suivi en cas de risque connu peuvent contribuer à réduire la probabilité de survenue.
Comment se déroule une greffe de moelle osseuse ?
Elle consiste à détruire la moelle malade par chimiothérapie ou radiothérapie, puis à infuser des cellules souches saines.
Que faire en cas de présence de signes évocateurs ?
Il faut consulter rapidement un médecin pour réaliser un examen clinique et, si nécessaire, un bilan sanguin. Plus le diagnostic est posé tôt, meilleures sont les chances de traitement efficace.